Renart, cigare en bouche et verre au poing, trinquait avec le régent au bar quand la flèche de Jim lui érafla la joue. Il se tourna pour suivre la chute du géant qui venait de tenter de l'assassiner et le poussa un peu du pied pour voir s'il était bien mort : on ne peut plus !
Le Capitaine leva alors sa choppe en direction de Jim, lui adressa un clin d'œil, et reprit sa conversation.
Methusaleah et lui-même s’entretenaient depuis que Favole et le mousse les avaient laissé en tête à tête.
« Cigare ? » avait proposé Renart.
Mais Methusaleah avait préféré opter pour une boisson, et à la surprise du Capitaine, avait accepté et APPRECIE son tord-boyaux personnel !
Ce gars-là n’était finalement pas si antipathique malgré son air pédant !
Pour tirer Jim de sa cuite, il avait préconisé ses conseils, mais Renart avait refusé : Jim apprendrait cuite après cuite, après cuite, après cuite et même après cuite s’il le fallait !
Et puis le régent avait demandé comment se passerait la Grande Veillée ?
Renart alluma le cigare qu'il venait de se mettre aux lèvres.
Ils gratta une longue allumette qu'il approcha de l'extrémité de son « relaxos » (un cigare roulé aux îles Babacooles) et l'alluma lentement en protégeant la flamme du vent avec sa main. Quand il eut fini il secoua l'allumette pour l'éteindre, la laissa tomber par terre et la recouvrit négligemment de sable avec son pied tout en soufflant la fumée vers le ciel.
« Nous allons aborder quelques points importants qui concernent notre équipage et notre organisation… j’ai des sujets précis en tête, d'autres plus larges…
Vous serez nos invités d'honneurs. Après, on va faire la fête, se raconter des histoires, danser, peut-être se battre... c'est une veillée quoi !
- Se battre ? Une sorte de joute… ? Ou une mêlée ?
- Hmm… plutôt mêlée… mêlée spontanée même.
- Je vois. Pas de règles donc ?
- On n’aime pas trop les règles par chez nous… ça commence par des bagarres organisées et ça se finit avec des affiches au mur… on n’aime pas trop. »
Renart sortit un papier de la poche de devant de sa chemise à fleur et le déplia à l'intention de Methusaleah:

« Ca fait une belle somme ! » s’exclama le régent.
« - Trop belle. Je doute que la marine la paye jamais à l’idiot qui me prendra.
- Quel exploit avez-vous réalisé pour obtenir une telle prime ?
- Pas grand chose vraiment : un tas de petits trucs qui font ces petits rien...
J'aime à dire que l'imprimeur de ces affiches ne m'a jamais pardonné la nuit que j’ai passé avec sa femme.
- Ou c'est peut être le chef de la marine qui ne vous pardonne pas la nuit avec sa femme et que vous ayez pillé son coffre? Les hommes, ils se vexent si facilement.
- Peut-être… Quelque chose comme ça en tous cas. Mais je n'ai tué personne ...qui n'essayait pas de me tuer.
- Je crois comprendre quel genre de pirate vous êtes. »
Renart continua sans s'attarder sur la remarque du régent
« Le mauvais Pirate, il voit un bateau qui s'approche, il donne du canon mais le bon pirate, lui, quand il voit un navire qui s'approche il donne du canon…
- Mais c'est un bon pirate c'est ca?
- Exactement ! »
Methusaleah se mit à rire tandis que Renart s’étonnait:
« Ah! Vous faites la différence! Que bueno !
- Nous avons la même chose avec les chevaliers.
- Comment ça ? Expliquez vous?
- Un mauvais chevalier voit l'ennemi, dégaine et décapite tandis que le bon chevalier voit au loin l'ennemi, dégaine majestueusement et décapite avec classe, car c'est un bon chevalier ! »
Renart se demanda si Methusaleah se foutait de sa gueule à raconter deux fois la même chose mais préféra garder le silence et approuver de la tête.
édité au tour 1973 par Renart