Gazette
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La genèse des dieux

« A l origine était le Grand Ordonnanceur. Son mal était l ennui. Il sépara alors la Matrice Originelle, extrayant la Conscience de la matière. A partir de la Conscience il façonna les dieux afin d avoir des compagnons.

De cette séparation naquit l Entropie : la Conscience n étant plus une, le désordre apparut. Car les dieux ne se satisfaisaient pas tous de leur nature purement spirituelle et certains tentèrent de s’accaparer la matière. Au cours de leurs luttes et de leurs tentatives de matérialisation ils séparèrent les quatre éléments, puis créèrent la vie en tentant de fusionner leur essence divine et la matière.

Comme les dieux étaient divisés, cette vie échappa bien vite à leur contrôle. Et les premiers êtres conscients commencèrent à écrire eux-mêmes l histoire du monde. Ce fut le début de l ère des légendes. »


Ainsi Saint-Broaz de la Révélation conta-t-il les balbutiements du monde quand la question fut posée de l’origine de chaque chose.

Le Grand Ordonnanceur s’était suffi à lui-même jusqu’à l’heure de la première heure. Il prit alors conscience qu’il était seul et l’ennui l’envahit. Il commença à compter pour lui-même le temps qui passait désormais. Et plus il y pensait, plus le temps se précisait dans son esprit, jusqu’à ce qu’il s’en détachât, par sa seule volonté.
Taps était né.

Mais le jeune dieu du Temps n’échappait pas au sort qui avait frappé son créateur, qui lui avait involontairement transmis son mal-être, l’Ennui.

Le Grand Ordonnanceur prit en pitié sa malheureuse création et décida de lui créer une compagne, qui le sortirait de sa mélancolie. Pensant à l’avenir, il se dit qu’il serait bon qu’un jour, ses enfants puissent créer eux-mêmes, il lui fit alors don de la fécondité.
Hécate était née.

La jeune déesse accomplit un temps la tâche qui lui était dévolue. Mais à force de prendre en pitié son étrange, désespéré et désespérant compagnon, elle finit par en tirer une émotion d’abord, puis un sentiment, tout particulier. Il la révulsait. Dans le cœur d’Hécate, se déposèrent les germes de la Haine à venir, née de la pitié, noble sentiment mêlé de mépris et de condescendance. Elle commença alors à harceler son protégé, tant qu’elle le pouvait, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour le rendre malheureux, tant son inertie l’exaspérait.

Constatant son échec avec Hécate, le Grand Ordonnanceur attribua l’origine de son erreur à la séparation de la conscience, d’où était née l’Entropie. Il décida alors d’unir sa future création, qui devait prendre la place de la Pitié, à l’entropie, dans l’espoir que la fusion des deux en fît une conscience supérieure à celle des deux précédents. Mais la fusion ne se fit pas comme il l’avait imaginée, et la Compassion cohabita étrangement avec l’Entropie, régies toutes deux par une même conscience, sans qu’elles eussent cependant réellement fusionné.
Mizaire était née.

Celle-ci s’occupa longtemps de Taps, pansant les blessures que lui avait infligées Hécate, et qu’elle continuait de lui infliger. Sans se lasser, elle remplissait son éternelle mission, ne songeant même pas à renoncer. Puis un jour, la patience de Mizaire sembla arriver à son terme, longtemps la Compassion l’avait dominée, mais son autre penchant, qu’elle n’avait pas encore dévoilé, sommeillait en elle, depuis trop de temps peut-être. Cet autre versant de sa conscience s’éveilla alors en son coeur, et elle répondit à la Haine par l’Entropie.
Une lutte féroce et sans merci s’engagea alors entre les deux divinités, sans que l’une ne sût avoir le dessus sur l’autre. Privé de compagnie, Taps se laissa à nouveau envahir par la mélancolie.

Le Grand Ordonnanceur songea à confier Taps à un nouveau protecteur, mais il savait que lorsque Mizaire se serait calmée…Hécate harcèlerait de nouveau le premier-né. Il décida donc de créer un nouvel adversaire à Hécate, un qui saurait l’occuper, et laisserait Taps en compagnie de Mizaire et en paix.
Ainsi donc, Pêlor naquit.

Il restait cependant un problème à résoudre, il fallait qu’Hécate nourrît une haine pour celui-ci comme elle l’avait fait pour Taps. Il résolut donc de donner à Pêlor également le don de fécondité.

Mizaire avait calmé sa colère et s’en était allée se reposer. Ainsi laissée seule avec sa haine, Hécate se tourna à nouveau vers Taps, mais quelque chose d’autre attira son attention, elle sentit un nouveau pouvoir, qui lui ressemblait terriblement, trop à son goût sans doute. Ainsi elle commença à nourrir une haine chaque instant plus grande pour cet être qui semblait venir prendre sa place ; et sa colère finit par éclater, et une lutte infernale commença entre les deux.

Lorsqu’ils s’arrêtaient pour se reposer, Mizaire, pansait leurs plaies et les réconfortaient. Chacun dans leur coin, ils réfléchirent et arrivèrent à la même conclusion : leur combat n’aurait aucune issue tant que la Consolatrice les aideraient tous les deux.
Pour convaincre Mizaire de ne plus aider leur adversaire, ils confectionnèrent chacun un assortiment de pierres et métaux, tous plus beaux les uns que les autres. Ils arrivèrent en même temps devant Mizaire, et lui présentèrent leurs cadeaux, lui demandant de choisir lequel d’entre eux serait le seul à bénéficier de son aide. Mais les deux ennemis se ressemblaient trop, et leurs deux présents étaient identiques. Révulsée par l’ignoble choix que les deux divinités lui demandaient de faire, elle saisit leurs dons, et les jeta le plus loin possible.
Les joyaux se dispersèrent sur la surface du monde, et disparurent dans ses profondeurs, ainsi la richesse, rejetée par Mizaire, s’enfonça dans le désert.

Mizaire déclara que désormais elle n’aiderait plus aucun d’eux et que jamais elle ne s’embarrasserait d’aussi abominables et corruptrices choses que celles qu’on avait voulu lui offrir en échange de sa partialité. Elle laissa là les deux ennemis et s’en alla.

Se reprochant mutuellement l’échec de leur entreprise, ils partirent chacun dans leur coin et eurent la même idée pour ne plus avoir à se blesser. Ils tentèrent de façonner des statuettes à leur image.
Mues par leur colère et leur rancune, ils façonnèrent avec force et hargne une statue toute tassée et trapue qui ne ressemblait en rien à ce qu’ils voulaient faire. Agacés par ce second échec, ils prirent leur création respective et la lancèrent au loin. Ainsi débarrassés de cette statue et libérés de leur rancœur, ils reprirent leur ouvrage plus posément.

Et très vite, les deux divinités apprirent à créer de nombreuses statuettes qu’ils animaient grâce à leur pouvoir de fécondité, et ils s’en envoyaient des armées entières qui s’anéantissaient l’une l’autre aussi vite que leur créateur les façonnait.

Cette guerre dura et dura encore, et les deux divinités n’eurent plus d’autre pensée à l’esprit durant longtemps.

Si bien que pendant que les deux ennemis s’affairaient, que Mizaire se fabriquait de curieux objets qui émettaient d’étranges sons et que Taps s’ennuyaient en comptant les secondes, quelque chose s’anima au loin.

Hécate et Pêlor s’étaient débarrassés de leur première création en oubliant le don qui leur avait été fait par la Grand Ordonnanceur, car ils avaient mis tant d’émotion dans leur ouvrage, aussi peu réussi qu’il fût à leur goût, qu’ils l’avaient, malgré eux, fait exister. Les deux créations avaient chuté au même endroit, pour ne former qu’un seul amas de terre à la forme curieuse. La jeune créature, trapue et épaisse, se releva du sol, animée d’une étrange rancune dont il ignorait l’origine.
Laduger était né.

Seul au milieu de nulle part il marcha longtemps dans le néant et la solitude.
Il vit cependant, de longues secondes plus tard, un spectacle pour le moins étrange, des figurines toutes identiques qui se jetaient par milliers sur d’autres figurines, différentes des premières, mais également identiques entre elles. Elles se détruisaient les unes les autres, mais il en venait sans cesse de nouvelles…
Il chercha l’origine de ces armées, et il la trouva très vite.
Il observa les deux ennemis à l’ouvrage puis saisit la terre dans ses mains pour essayer de faire de même. Mais lorsqu’il baissa les yeux pour se concentrer sur son travail, il regarda ses paumes rugueuses et la terre desséchée, elles se ressemblaient tant. Il comprit alors d’où il venait.

Une première et dernière larme coula sur son visage, et tombant sur le sol, elle s’enfonça dans l’écorce craquelée du monde.

Il partit, blasé et éteint. Ses pas le menèrent au champ de bataille, là observant les créatures couleur terre, une idée lui vint à l’esprit. Il pourrait peut-être les convaincre que ce combat était vain, et qu’ils pourraient se retourner contre leur créateur, et ne plus être de bêtes esclaves. Il les interpella, criant du plus fort qu’il pouvait, mais les créatures ne réagissaient pas. L’entendaient-elles seulement ?
De nouveau blasé il regarda dans le néant et dit : « A quoi bon tout ceci…A quoi bon toutes ces créatures…si elles ne sont rien d’autre que la terre à laquelle elles retournent…»

Le Grand Ordonnanceur qui avait suivi cette étrange créature dés l’instant de sa naissance fut surpris de ces étranges paroles et une nouvelle notion lui vint à l’esprit, et elle impliquait beaucoup d’autres choses…
Il se plongea dans l’écorce du monde et récupéra la larme qu’avait versée Laduger, il prit un cheveux à la tête de cette divinité dont il émanait tant de pensées et d’idées surprenantes. Il réunit ces deux éléments, les posa prés de lui et dit : « Que l’existence inutile devienne Vie et que la pensée mécanique devienne Libre-Arbitre. »
Zérisphère était né.

La jeune divinité traversa le champ de bataille et pleura en voyant ces créatures sans âmes ni conscience.
Aussitôt les batailles cessèrent, les combattants se regardèrent, se dévisagèrent même. Ainsi interdits, il s’assirent sur le sol et continuèrent de se regarder.
Surpris que les combats cessassent si brusquement, les deux ennemis vinrent sur le champ de bataille. Ils furent effarés par le spectacle qui s’offrait à eux, de rage ils détruisirent leurs créations et s’en retournèrent trouver de nouvelles idées qui leurs apporteraient un jour la victoire.
Les âmes privées de leur corps erraient sans but, puis peu à peu se rassemblaient, collées les unes autres. Le Grand Ordonnanceur, qui comme à son habitude n’avait rien manqué des événements, descendit sur le monde, prit les âmes et les modela en une forme étrange et dit : « Va, tu seras l’ami des âmes égarées, tu créeras ton palais qui sera le leur, c’est toi qui les guidera vers le repos ou les tourments que leur vie passée leur fera mériter. »
Chemosh était né.

Et dés lors plus rien que ne fissent naître les dieux et qui fût pourvu d’une âme ne fut immortel.

Dans les temps qui suivirent, ce que certains mortels appellent aujourd'hui à tord ou à raison, une bréche spatio-temporelle s'ouvrit dans l'univers, et une créature qui fut par la suite nommée dragon en sortit. Les autres divinités l'accueillirent parmi elles sentant qu'elle était également d'essence divine, son nom était Dragony, et elle donna son nom à toutes les créatures qui lui étaient apparentées aux yeux des mortels.
Bien plus tard lors de l'ouverture d'une autre brèche, un autre dragon, plus puissant, nommé Mystara vint, et combattit de nombreuses décenies durant Dragony, jusqu'à ce qu'il quittât ce monde, pour retourner dans le sien.
Bien que Mystara, tout comme Dragony avant elle, fut toujours admise parmi les dieux comme étant des leurs, ses apparitions parmi eux furent rares et elle ne siégea jamais vraiment à leurs côtés.

Cherchant toujours de nouvelles armes, Pêlor eut l’idée d’utiliser la lumière, il ramassa une pierre sphérique très brillante y enferma la Lumière, ainsi plongés dans la Ténèbre, de nombreux dieux se demandèrent ce qu’il se passait et cherchèrent une source de lumière. Leurs pas les conduisirent tous, même Hécate, devant Pêlor et son étrange invention. Quand celui-ci vit son ennemie, il leva le poing qui serrait la pierre lumineuse et en libéra l’énergie sur Hécate.
Hécate hurla de douleur, le rayon de lumière la frappa même avec tant de violence qu’un morceau de chair carbonisé tomba au sol.
Mais la déesse n’avait pas dit son dernier mot. Tandis que Pêlor s’enfuyait ravi de cette première victoire, Hécate jura qu’elle noierait Pêlor dans l’ombre et l’éliminerait lui et sa lumière.
Pêlor s’éloignant, la Ténèbre se fit autour des dieux, Hécate ramassa une sphère argentée qui avait autrefois fait partie de son présent à Mizaire, rassembla la Ténèbre autour d’elle et dit ces mots : « Puisque Pêlor veut garder la belle lumière pour lui, nous éclaireront la nuit d’une pâle lueur et ne plongeront le monde dans la Tenebre qu’une fois par mois. »

Et ainsi fut-il fait, Hécate se mit en chasse de Pêlor, et il se mit en chasse d’Hécate, sans qu’aucun des deux ne parvînt à rattraper l’autre, faisant ainsi se succéder le jour et la nuit.

A la faveur de la nuit et de sa pâle lueur, Mizaire retrouva la chair carbonisée tombée d'Hécate lors de l'attaque de Pelor. Elle le ramassa et partit se cacher. C’était sans compter sur Laduger et Zérisphère, qui chacun dans leur coin avait observé le manège de Mizaire, et avait entrepris de la suivre.
La Consolatrice sentit que toute vie n’avait pas encore abandonné ce fragment hécatien, tandis qu’elle se demandait ce qu’elle pourrait bien en tirer, son attention se porta sur deux formes qui l’observaient dans la pénombre, elle leur fit signe d’approcher.
Les deux jeunes divinités se joignirent à elle.

Ils discutèrent longtemps autour de morceau de chair carbonisé, laissant le jour et la nuit se succéder de nombreuse fois, quand Laduger eut une idée, pétrissant la terre de ses mains, il façonna une grande statue, faisant appel à sa créativité et à son imagination pour que cet être ne ressemblât à aucun existant déjà. Il laissa une cavité dans la poitrine, où Mizaire déposa la chair palpitante et Zérisphère donna l’étincelle de vie à ce curieux assemblage.

Il n’y eut d’abord rien, puis la surface du corps rougeoya lentement, puis s’embrasa soudain. Il se leva, rependant une lumière incandescente dans la nuit tombante.
Loki était né.

Hécate qui avait observé la scène fut outrée que l’on puisse éclairer ainsi la nuit sans son aide, laissant la Lune se déplacer d’elle-même, elle descendit prestement au milieu de ses confrères divins.
Alors qu’elle s’apprêtait à attaquer cette nouvelle source de lumière, sentant l’Entropie monter en elle, Mizaire se jeta sur Hécate, Laduger ramassa une pierre à la forme allongée et se jeta à son tour dans la mêlée, assénant de violents coup à la déesse de la Nuit.

Le Grand Ordonnanceur qui avait d’abord était amusé par la nouvelle création de ses enfants, fut terrifié de voir combien ce combat était inégal, et combien l’absence d’Hécate dans le ciel nocturne permettait à Pêlor de gagner du terrain, rendant les nuits de plus en plus courtes.
Il décida qu’il fallait rétablir l’équilibre et conçut un puissant guerrier qui saurait rendre la justice divine le plus efficacement possible et se rendre garant de l’équilibre du monde.
Jhaampe était né.

Le combat à nouveau équilibré, les bélligérants se trouvèrent dans une impasse, la lutte n'en finirait jamais, exténué il se calmèrent enfin, Hécate regagna sa place auprés de la Lune, Laduger partit se reposer dans une caverne à l'écart, Mizaire s'en alla panser ses plaies au calme, suivie de Loki, intéressé par la double personnalité de cette déèsse.

Les choses ayant retrouvé leur ordre normal, Jhaampe s'assit sur une pierre, contemplant le monde qui l'entourait, attendant que l'Equilibre fut à nouveau rompu pour le rétablir.

L'univers avait presque retrouvé le calme originel, et très vite, le Grand Ordonanceur le trouva ennuyeux, rétablissant sans cesse l'équilibre, Jhaampe en était quelque peu responsable, même si si'l ne faisait qu'éxécuter la mission qui lui avait été confiée. Pour rompre la monotonie, et qu'il y ait de temps à autres quelques incartades chez les dieux, le Grand Ordonanceur prit un fragment d'Entropie d'un côté et un fragment de conscience de l'autre, il les laissa tout deux choir sur le monde.

Une étrange conscience entropiste au possible naquit ainsi tandis qu'un autre entité mue par la seule notion d'ordre s'animait.
Yogi et Chronos étaient nés.


A peine le premier était-il arrivé, qu'il fut troublé par un objet qui dépassait du sol, qu'il le ramassa. C'était une des pierres qu'avait délaissé Mizaire, longtemps auparavant. Yogi la trouva belle et se dit qu'il faudrait en trouver d'autres.
Ainsi commença l'existence de Yogi, une âme chaotique souvent motivée par l'appât du gain.

Quant à Chronos, il parcourut le monde, aidant à l'occasion les dieux qui avaient besoin de lui, sans au début se soucier qu'ils étaient bienveillants ou malveillants, tant sa loyauté et sa bonté envers et avec les autres était grande.

Par ailleurs, le Grand Ordonanceur trouvait que ce monde, uniquement fait de terre et rocs, avait quelque chose de terne et triste. Il ramassa au sol les larmes que Zérisphère avait fait couler lorsqu'il avait découvert l'horreur des combats, il les concentra dans sa main et les fit pleuvoir sur le monde, ainsi la pluie tomba pour la première fois, formant lacs et rivères de par le monde.
Ilya était née.

Pour faire partir de ses mains les dernières gouttes d'eau qu'il restait, le Grand ordonanceur souffla fort sur elles, emportant l'eau et son souffle parcourant le monde, ainsi la première tempête balaya l'écorce du monde.
UrdzBaal était né.

De son côté, pendant ce temps, Zérisphère essayait de façonner de nouvelles créatures, mais il manquait d'inspiration et ne parvenait à créer quoique ce soit de vraiment original, se souvenant de l'habileté légendaire de Laduger, il partit à sa rencontre.
Lui ayant expliqué son projet, Laduger fut tout de suite intéressé, il commença alors à façonner des figurines de toutes sortes et toutes formes.
En premier il en fit qui ressemblaient au dieu, à la forme allongée et aux traits fins, ainsi furent créés les elfes, pendant ce temps, Zérisphère sur les conseils de son comparse, façonnait d'étrange créatures inanimées et immobilisées dans le sol, ainsi naquirent les arbres. Il en fit des forêts entières, auxquelles il fit don de la vie.
Laduger dit que ses premières créatures peupleraient les forêts.

Il continua son ouvrage, se disant qu'il pouvait se permettre d'en faire à son image, il fit de petite figurines, robustes et trappues. Ainsi créa-t-il les nains. Voyant l'amas de pierres dont il se servait pour créer ses figurines, il se dit que la montagne comme il la nomma, serait leur demeure.

Ainsi conçut-t-il une à une les créatures du monde.

Pendant ce temps, Loki et Mizaire discutait sans cesse, elle lui apprit l'histoire du monde depuis ses origines, il écoutait attentivement, toujours avec la même vivacité. Quand lui fut contée toute l'origine du sempiternel combat entre Pêlor et Hécate, il se sentit étrangement plus proche d'Hécate que de Pêlor, bien que celle-ci eût cherché à l'anéantir alors même qu'il venait de naître.

Un jour qu'il avait laissé Mizaire pour aller observer travailler Laduger et Zérisphère, profitant que les deux artisans avaient le dos tourné, il prit deux statuettes d'elfes dans ses mains et s'en alla discrétement.

Mais lorsqu'il les déposa au sol, l'incandescence permanente de ses paumes avait noirci les deux figurines, quelque peu honteux, il les cacha et retourna auprés de Mizaire comme si de rien n'était.

Ils allèrent rejoindre Laduger et Zérisphère pour voir où en était leur ouvrage. Tandis qu'ils les regardaient travailler, Taps qui s'ennuyait, vint leur rendre visite et fut émerveillé par leurs créations, et en même temps attristé de n'avoir pas pu faire aussi bien lui-même, et aussi sachant que toutes ces créatures, encore inanimées, seraient victimes de l'usure du Temps, et qu'il en serait responsable.
Voyant arriver une nouvelle dépression dans les yeux du Premier-né, Mizaire saisit deux figurines au hasard et les lui tendit, lui disant qu'elles avaient été conçues spécialement pour lui.
Laduger approuva, comprenant qu'il fallait rassurer le Temps. Taps les prit dans ses mains, émerveillé à nouveau. Il jura que pour ces deux créatures le temps passerait différement, et qu'elles parcoureraient le monde éternellement, sans que rien ne puisse les anéantir.
Chemosh qui passait par là hésita à intervenir en rappelant que toutes les créatures étaient vouées au trépas, mais se retînt, se disant que ce n'était pas deux créatures immortelles qui à elles seules changeraient le destin du monde.
Taps les déposa au sol, et Zérisphère les anima. La première, un petit garçon, qui aurait sans doute dû être humain, regarda autour de lui et trouva le monde amusant, la deuxième, à quatre pattes, recouverte d'une épaisse toison blanche et laineuse, observa le monde à son tour, et le trouva parfaitement hilarant. Le petit garçon monta sur son dos, et ils partirent à travers le monde s'amusant de tout ce qu'ils croisaient.
Voyant le monde d'un regard neuf, Taps s'en amusa enfin, et l'Ennui fut vaincu, pour un temps du moins.

Laduger et Zérisphère animèrent une à une leurs autres créations et les dispersèrent sur le monde, qui fut bien vite peuplé. Seulement les grandes et majestueuses sylves qu'avaient créées Zérisphère furent très vite amoindries, car de nombreuses créatures, intelligentes pourtant, tranchaient arbre aprés arbre pour se chauffer, construire d'étranges abris en tout genre.

Vexé que ses propres créations ne respectent pas d'avantage son travail Zérisphère prit un des arbres qui restaient encore debout dans une sylve dévastée, et lui prêta une partie de son essence divine. L'arbresgrandit et devint immense, deux grands yeux s'ouvrirent dans son écorce. Il vit alors la Nature, ainsi blessée par les êtres doués de langage.
Ent était né.
Il décrocha des graines qu'il portait dans sa ramure et les planta dans le sol. Aussitôt des créatures se levèrent, aux formes d'arbres mais possédant eux aussi des yeux, et des branches s'apparentant plus à des bras. Il déclara qu'ils seraient les gardiens des forêts du monde et qu'il ne laisserait plus de tels actes se reproduire.

Ainsi pour la dernière fois, Zérisphère fit acte de création.

Tout semblait aller pour le mieux quand un jour, un nouveau conflit éclata entre les dieux. Loki désirait se réconcilier avec Hécate, car il savait qu'il était sa propre chair, sachant qu'elle s'était sentie baffouée qu'on ne la consultât pas pour peupler le monde, il avait donc pris ses figurines noircies et s'en était allé les lui offrir en gage d'amitié, elle les anima, et les posa sur la surface du monde.
Ansi naquirent les drows, dans la nuit, éclairée par la pâle lueur lunaire.

Pêlor eut vent de cette rumeur et lors de son passage il vit les créatures de sa rivale. Il fut très amusé, et décreta que ces créatures « amies de la nuit » seraient plus sensibles que les autres à sa lumière. Et il en fut ainsi et les drows souffrirent le martyr de cette lumière dont ils n'avaient pas l'habitude. Sentant la souffrance de ses créatures, plutôt que de continuer normalement son cycle quotidien, elle fit volte face, gardant la Lune avec elle, et fila à la rencontre de Pêlor. Lorsqu'elle comprit ce qui se passait, elle engagea une nouvelle lutte féroce contre son ennemi de toujours.

Les autres divinités observaient horrifiées le spectacle qui se déroulaient dans le ciel, où se mélangeaient l'ombre et la lumière de manière surnaturelle et étrange. Pêlor frôla le sol du monde, manquant de le carboniser, mais sût se redresser juste à temps.
Inquiet, Laduger partit verifier que le peuple des nains était toujours bien à l'abri sous les montagnes. Chronos mit une cité entière sous les paumes de ses mains jointes pour la protéger, Zérisphère affolé, ne savait pas quoi faire, il suggéra à toutes les créatures de se réfugier sous terre. Ent était terrorisé, les arbres ne pourraient pas s'enfuir eux, ils étaient prisonniers de l'écorce terrestre et n'en pouvaient bouger. Les dieux cherchaient une solution quand Ilya proposa d'attendre le dernier moment, et si jamais Pêlor touchait le sol, elle ferait pleuvoir sur les forêts, UrdzBaal quant à lui ferait souffler le vent sur elles de sorte qu'il en éloigne l'incendie et elle mettrait ses rivières et ses lacs en crue pour éteindre le brasier. Ent ne trouva pas cette proposition très efficace, mais comprenant qu'il n'y en avait pas d'autre, il s'y résolut. Mizaire se contenta de murmurer à Loki que cette destruction du monde apprendrait peut-être aux mortels que la matière n'est rien.

Et ce qui devait arriver, arriva, Hécate fracassa le crâne de Pêlor avec la Lune, sonné, il tomba sur le monde qui s'embrasa. Ilya Urdzbaal qui avait vu sa chute, l'avait anticipée de quelques instants et put sauver ainsi quelques arbres de ci de là.
Taps descendit affolé sur le monde et chercha ses deux protegés qui illuminaient son âme depuis leur arrivée. Il ne les trouvait pas et sentait l'ennui lui revenir, quand, dans l'épais nuage de fumée grise qui recouvrait le monde, une silhouette à la forme étrange se découpa. Sortant du brouillard, un individu chevauchant un mouton passa devant les dieux continuant sa route en sifflotant, sans qu'aucun des deux n'eût la moindre trace de brûlure. Taps fut rassuré et encore émerveillé, il retourna compter le temps, à nouveau débarassé de son ennui.

Lorsque le nuage fut dissipé par les vents, les créatures ressortirent toutes des sous-terrains. Sauf les nains qui se plaisaient dans leurs montagnes pleines de richesses, et les drows qui s'étaient malgré eux retrouvés prisonniers de l'entre-sol où ils seraient confinés de longs siècles durant par les peuples alliés de la lumière.

Pêlor était remonté dans le ciel, un immense désert recouvrait à nouveau le monde, seuls quelques endroits demeuraient boisés, ou irrigués par quelque ruisseau miraculé, et les êtres doués de parole refirent leur monde et leurs cités comme ils pouvaient dans le désert hostile.


Les dieux, considérant que la création était terminée, montèrent au firmament, faisant le serment qu'aucun ne respecta, de ne plus ingérer dans les affaires des mortels et de les laisser livrés à eux-mêmes...🕬
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