RE: Jeune Trelar...
Au beau milieu de la nuit, Trelar Norsk, que l'on appelle "le boisilleur", celui qui ne rit jamais, et vit à l'écart de toute vie sociale, reçut la visite de son chef, alors qu'il était tout dévoué à sa tâche, considérée par certains comme terriblement ingrate: celle de couper du bois. Tâche qu'il accomplit remarquablement bien, au regard de son corps mince et allongé.
Lorsqu'il remarqua le vampire, Trelar abandonna sa hache sur le billot, et accrocha le regard de son supérieur d'un oeil indiscret, tellement ce genre de visites sortaient des conventions qu'il avait établi.
"Que pasa, cabron ?"(délire hrp :p)
Sans un mot, le vampire l'invita à s'asseoir, et ils discutèrent longuement, avec respect. KindeaTh n'était pas un vampire à traiter ses hommes comme des chiens, et le boisilleur lui en était reconnaissant, comme tant d'autres.
A la fin, de l'entretien, le Chef Lokien prit congé, laissant le boisilleur prostré. Sa nuit allait surement être plus courte que prévue. Se sentant d'un coup si misérable, il se dirigea d'un pas rapide vers sa modeste habitation, que seul son désespoir en cette heure assurait.
Une fois sur place, Trelar se jeta sur son matelas de paille, et se mit immédiatement à fumer l'opium que lui rapportait les messagers en provenance de Selenia, la reine du pavot, selon les dires des Maudits les plus portés vers la plaisanterie.
Les volutes de fumée se mirent à dessiner dans l'air humide des formes effrayantes. N'était ce qu'une simple hallucination, ou le fruit de son angoisse, ou une annonciation quelconque de l'horreur à venir ?
Allongé, Trelar se rappelait de son enfance. Pas toujours joyeuse, mais fort correcte. Il se rappelait du doux visage de sa femme, morte en couches, d'un fils qu'il étouffa lorsqu'il s'aperçut qu'il avait les oreilles pointues. Cette mégère avait assombri son coeur à jamais, pour le reste de sa vie ... A cette pensée, Trelar poussa un ricanement. Il est incroyable de constater la force de l'instinct. Celle qui fait croire à la jeunesse que sa vigueur sera éternelle. La raison, aussi entretenue qu'elle soit, lui est bien inférieure.
Il se rappela également l'arrivée de ces gitans en sa forêt. Ces mêmes gitans qui lui avaient proposé de travailler pour eux, ou bien de subir le sort de l'éclair d'un coutelas, ou d'une arquebusade. Par lâcheté, Trelar accepta. Il est des hontes plus dommageables que la mort, et il en avait fait par deux fois l'expérience. Pendant plusieurs années le bucheron avait ruminé sa vengeance, sans jamais avoir eu le cran de mettre ses plans à exécution. A quoi bon ? Depuis l'arrivée de ces roms, sa situation ne s'était elle pas améliorée ? N'avait il pas aujourd'hui le respect de ses pairs ?
La seule contrainte qu'il avait eu a subir, était de se priver du soleil. La blancheur de sa peau en faisait aujourd'hui témoignage. Puis, il eu la révélation. En suivant la Lokéchèse obligatoire les jours Saints, il avait eu la révélation. La révélation d'une philosophie qui, s'il l'avait connue plus tôt l'aurait sauvé de ses humeurs maussades. Aujourd'hui, il userait des préceptes du divin mystificateur, et en ferait la promotion, ne jurant que par lui.
Les yeux rougis par l'opium de mauvaise qualité, et comme fuyants face à toute chose, Trelar se leva, et s'assis à son modeste cabinet. Il ouvrit un tiroir d'ou il sortit une petite boîte, et, l'ouvrant, il observa longuement le poignard dans son écrin, dont la surface était comme bordée de flammes en mouvement. Il prit entre ses mains soigneusement l'objet, et le briqua, à l'aide d'un chiffon propre enduit d'eau de Cölogn, jusqu'à ce que celui ci brille de mille feux.
Une fois fait, il se mis à nu, et s'habilla en toile sombre, des pieds à la tête. S'il devait périr, il désirait être incinéré en cet accoutrement. Enfin prêt, il saisit l'écrin de valeur, et le glissa avec précaution au fond de sa gibecière. Et, après quelques minutes de réflexion, Trelar sortit de sa demeure, et arpenta les chemins de la Darkwald, jusqu'a la palissade, où Cassandre, son scribe, lui rapporta les propos qui s'y tenaient, ou qui s'y étaient tenus.
En montant à l'échelle, sur le petit ponton bordant les machicoulis de fortune, il croisa Madrak, et porta la main sur son épaule.
"Retourne chez toi, l'anguille. Tu ne peux rien arranger."
Une fois seul en haut des murs, Trelar Norsk éleva la voix.
"Seigneurs Nainportains, je vous ai entendu !
Je m'aventure à croire que vous me protégeriez de Karma, tant votre peuple est fier et vaillant !"
Se coisant, il frotta son uniforme noir de sa main avec dédain.
"Mais ... Qui engagerais je pour me protéger de vous Nainportains ?
Vous, qui êtes de toutes les parties pour recruter de jeunes esprits -et Loki sait que vous en avez besoin- je ne vois aucune personnalité émerger de votre cité.
Vous tentez de m'enrôler afin de garantir ma sécurité, mais comment protégerez vous Trelar Norsk de la médiocrité qui suinte de votre peau purulente ? Mon exécution vaut elle à être troquée par une vie à cotoyer des âmes chétives et exigües en peine, une faiblesse d'analyse, à baigner quotidiennement dans d'insignifiantes palabres, dans un climat tendant vers la mesquinerie d'ivrognes ?
Ma conviction est que l'offrande est d'un atout plus que négligeable. Nainportains je vous le dis sans ambages ni détours, c'est la beuverie dans une taverne qui m'a amené là ou je suis, et ce n'est pas la beuverie qui me sauvera. Revenez d'ou vous venez, courts sur pattes ! Car vous n'avez que trop souillé la prestance de mon exécution."
A cet instant, Trelar sauta sur le chemin de ronde, et se baissa, se rendant invisible aux yeux des individus situés à l'extérieur. Cassandre lui tendit une chope pleine d'eau qu'Azgoth puisait avec talent.
"Gracias, corazon"
Une fois désaltéré, il remonta sur son estrade improvisée.
"Seigneur Karma !
Je plaide non coupable en ce qui est de changer la tenue des Adeptiens. Ce chef d'accusation de votre part n'est que forfanterie.
Je ne regrette également pas d'avoir outré Kyne Nachten, et la référence à sa casquette n'etait qu'un moyen d'y faire apparaitre une gausserie, lui qui se jette si délibérément dans d'insignifiantes provocations. Le ricanement de la hyène ne fait aujourd'hui rire qu'elle, et toute causticité est aujourd'hui en notre monopole. Elle l'apprendrait tôt ou tard, si sa mauvaise foi n'était pas aussi affirmée que la prétention de ses représentants.
Enfin, je plaide coupable pour:
Avoir abusé du spectacle de la charnure de la serveuse pour finir dans un état d'ébriété si avancé que je me suis porté en ridicule.
Avoir tenu des propos médiocres, et n'etant pas à mon avantage.
Avoir tenu tête au seigneur Karma en cette folle soirée.
Et puisque la faux désire ma tête, malgré mes regrets pour avoir commis ces si modestes crimes, je lui prédis de longues années de labeur, et m'en remet à elle. Qu'il en soit ainsi !
Mais puisse mon trépas servir à quelque chose. Un jour, nous avons accueilli Dorylis afin de lui transmettre notre savoir en matiere de pyromanie. Un présent a été forgé, et devait le lui être remis. Mais le brasier d'Avalone nous a prit de court. Pourriez vous le lui remettre ? L'on m'a affirmé que vous étiez proche d'elle.
Je vous remercie, Vampire"
Trelar remis son masque sombre, descendit de l'échelle, et pris soin de ne pas salir son uniforme.
Après avoir longé les murs, il se retrouvait devant la porte. Il se retourna alors, et adressa un bref salut à ses anciens camarades, avec toute l'émotion qui le tenaillait en cet instant précis.
Une larme coula sur sa joue, en croisant le regard de KindeaTh, Madrak, Gale, Azgoth, Topinette, Slayers, Gussounet, et tout ceux qui avaient accompagné sa vie ces dernieres années.
Se retournant face à la porte, il leva le bras, avant que celle ci ne s'ouvre dans un long grincement, tant celle ci était mal huilée.
Et c'est ainsi que l'ombre disparut dans le brouillard de la nuit ...